Chronique

Global Shopping Festival, 14ème édition : quels enseignements pour les marques de parfum et beauté ?

Publié le par

La 14ème édition du 11.11 vient de se conclure dans un contexte extrêmement inédit et particulier : ralentissement économique, chute de moral des jeunes chinois face au taux de chômage atteignant des sommets (17,9% pour les urbains de 16-24 ans en octobre 2022*), disparition des 4 rois/reines du livestreaming (seul Austin est revenu 1 mois avant le festival)... Comment les marques de parfums et beauté ont-elles traversé cette période clé de l’année ? Quels enseignements en tirer pour l’année prochaine, mais aussi les festivals à venir ?

Recul des catégories parfum et beauté.

Pour la première fois, ni Tmall ni Jing Dong n’ont communiqué le montant des ventes, se contentant d’annoncer que les ventes au global sont au même niveau que l’année dernière. Mais ces performances cachent des différences marquées selon les catégories. Pour la beauté et le parfum, les ventes ont accusé des reculs significatifs :

  • Un recul de 8% pour le soin du visage, soin du corps, huiles essentielles.
  • Un recul de 25% pour le maquillage, parfum et appareils de beauté.

Rankings beauté : L'Oréal, Estée Lauder et Lancôme en tête sur TMALL.

Pour la quatrième année consécutive les 3 premières marches du podium se disputent entre les mêmes marques : L’Oréal, Lancôme et Estée Lauder. Cette année, L’Oréal obtient à nouveau la première place, qu’elle avait perdue depuis 2019 au profit d'Estée Lauder.

Fait notoire : la montée en puissance de Proya, qui rentre dans le top 10 depuis la première fois en 7 ans. La marque de cosmétiques s’est d’ailleurs distinguée tout au long de l’année au travers de ses campagnes riches en contenu. En tant que marque locale, elle côtoie Winona #6 (et Quadha #16).

Alors que les marques chinoises montent en puissance (surtout sur le segment soins, et ce, sur l’ensemble des plateformes de e-commerce), les marques japonaises et coréennes perdent du terrain. Shiseido n’occupe plus que la 10ème place (reculant de 5 places par rapport à l’année dernière), tandis que Whoo est sorti du Top 10 (alors que la marque occupait encore la 4ème place l’année dernière). Whoo reste cependant #1 sur le ranking de Douyin pour 11.11.

Ces mouvements indiquent une forte volatilité, mais doivent s’interpréter selon les bonnes grilles de lecture. Une place élevée témoigne en effet non seulement de la capacité des marques à performer sur le marché chinois, mais aussi de leur volonté de participer à des promotions qui entament significativement les marges.
Autrement dit le recul ou absence de certaines marques - notamment locales et régionales - ne signifie pas forcément qu’elles sont moins performantes dans l’absolu. Cela peut témoigner des arbitrages menés en défaveur d’un chiffre d’affaire réalisé à moindre profitabilité.
Par ailleurs rentrent aussi en compte dans les arbitrages la complexité et lourdeur logistique croissantes. Les taux de retours produits sont encore à la hausse cette année, et peuvent aussi sévèrement dégrader les marges et notations des vendeurs.

Rankings parfums : Jo Malone, The Beast, Tom Ford en tête.

Encore une fois, les 3 premières places sont occupées par les même marques, et dans le même ordre depuis 2 ans : Jo Malone en tête, suivi par The Beast (marque locale créée en 2019 seulement) et Tom Ford.
Pour ce qui est des places suivantes, nous pouvons observer pour le Top 10 une relative stabilité des marques en présence – sauf pour Byredo qui rentre dans le Top 10 à la dernière place, remplaçant cette année Penhaligon’s.

Les marques chinoises continuent quant à elles de renforcer leur présence. Aux côtés de The Beast, Boitown occupe la 6 place ; tandis que To Summer fait son entrée pour la première fois à la 13ème place, devant Penhaligon’s et Artisan Parfumeur. C’est dire si ce marché demande aux marques une vigilance constante, pour non seulement se démarquer, mais aussi durer dans le temps !

En attendant, les prises de participation de Puig dans Scent Library et L’Oréal dans Documents témoignent de la considération croissante envers les marques locales. Sachant qu’entre mai et octobre 2022, non moins de 2.000 nouvelles marques de parfums locales se sont créées, la volonté d’accélération et montée en puissance des acteurs locaux est très visible. Non seulement le paysage se recompose, les règles du jeu également, car les marques locales opèrent de manière très différente des marques occidentales.

Parmi les marques de niches qui se développent plus vite en Chine que dans le reste du monde, Maison Margiela, Diptyque, Byredo, Penhaligon’s, Artisan Parfumeur, Atelier Cologne se distinguent.
Les vraies questions à se poser sont toutefois de deux ordres :

  • Qu’est ce qui caractérise une marque de niche (et donc sa désirabilité) auprès des jeunes Chinois ?
  • Une marque de niche peut-elle durer dans un contexte de chasse à la nouveauté permanente ?


Enseignements.

Les marques occidentales ne peuvent plus se reposer sur les mêmes recettes que celles qui ont fait leurs preuves en Occident. Elles devront - plus que jamais - apprendre à inventer et composer constamment, d’année en année ou plutôt de trimestre en trimestre, avec un environnement extrêmement spécifique. Cette agilité ne se conçoit pas seulement de manière réactive sur le terrain mais devrait se nourrir d’une compréhension profonde des dynamiques sous-jacentes en place.
Comprendre le pourquoi des mouvements dans les rankings est au fond bien plus important que les rankings eux-mêmes.

Dao Nguyen est fondatrice d’Essenzia ByDao, une agence dédiée dans l’accompagnement des marques de parfums et beauté dans leur déploiement en Chine. Marketing stratégique et anthropologie du goût.

*Source : Statista

par