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« Réveiller une Maison, c'est d'abord l'écouter » Hélène Poulit-Duquesne, Boucheron
Publié le par Sabrina Faubel
Première femme à diriger une Maison de Haute Joaillerie Place Vendôme, Hélène Poulit-Duquesne incarne une nouvelle façon de penser le luxe. Depuis 2015, elle insuffle un nouvel élan à Boucheron, sans jamais trahir son esprit fondateur : une maison pionnière, libre et visionnaire. Dans cet entretien exclusif, elle partage sa vision du leadership, de l'innovation et de l'émotion comme leviers d'une transformation sincère et durable.
Sabrina Faubel
À votre arrivée chez Boucheron, la Maison devait renouer avec sa singularité. Quels ont été vos premiers leviers pour redéfinir son identité ?
Hélène Poulit-Duquesne
En 2015, Boucheron était la "Belle au bois dormant" de la Place Vendôme. L'image était intacte, l'héritage remarquable, mais il manquait un positionnement clair.
Je me suis plongée dans nos archives pour comprendre ce qui faisait notre différence. J'y ai trouvé une constance : l'innovation, dès 1858. Ce fil rouge m'a guidée dans la refonte de notre stratégie. Nous avons affirmé une plateforme de marque à l'international : "Boucheron is the most stylish and cutting-edge French High Jewelry Maison since 1858", soit : "La Maison de Haute Joaillerie française la plus stylée et avant-gardiste depuis 1858".
L'offre de Haute Joaillerie a été repensée, le 26 Vendôme entièrement rénové, et l'expansion a débuté en Asie, avec seize ouvertures en Chine en moins de six ans.
Sabrina Faubel
Comment marier patrimoine et avant-garde dans un secteur aussi codifié ?
Hélène Poulit-Duquesne
Frédéric Boucheron était un visionnaire. Il utilisait des matériaux comme le bois, le cristal de roche, présentait ses créations verticalement et osait bousculer les usages. Si l'on veut honorer cet esprit, il faut rester en avance sur son temps.
Depuis 2020, nous avons instauré un nouveau rythme avec deux collections par an : "Histoire de Style" en janvier, inspirée de nos archives, et "Carte Blanche" en juillet, entièrement libérée. C'est ainsi que l'on conjugue tradition et modernité.

Sabrina Faubel
Quel type de leadership incarnez-vous dans une industrie encore très masculine ?
Hélène Poulit-Duquesne
Je suis convaincue que l'empathie et la bienveillance sont des forces. Diriger avec empathie améliore à la fois le bien-être des équipes et la performance collective. Chez Boucheron, je veille à ce que chacun puisse s'épanouir. C'est un leadership profondément humain.
Sabrina Faubel
Chez Boucheron, l'innovation s’exprime jusque dans les matériaux. Comment s'intègre-t-elle à l'émotion ?
Hélène Poulit-Duquesne
L'innovation n’est jamais un but en soi. Elle doit servir l’émotion et enrichir le savoir-faire. Le Cofalit®, par exemple, est un matériau issu du recyclage de déchets industriels. Nous l’avons taillé et serti comme une pierre précieuse. Le sublimer, c'était redonner du sens à ce qui n'en avait plus.
Sabrina Faubel
Vous formez un tandem unique avec Claire Choisne, directrice artistique de la Maison. Quelle est votre dynamique ?
Hélène Poulit-Duquesne
Nous sommes le seul duo féminin CEO - Directrice de la Création de la Place Vendôme.
Je suis une CEO avec une âme d’artiste, Claire est une créative avec une approche business. On partage une vision commune : une Haute Joaillerie libre, émotionnelle, qui se porte au quotidien. Nous testons nous-mêmes les prototypes, et pensons chaque création à travers le prisme du confort et de l'usage. Nos clients sont au cœur. On crée pour eux, pour comprendre leurs besoins.
Sabrina Faubel
Boucheron crée des bijoux, mais aussi des souvenirs. Comment imaginez-vous l'expérience client ?
Hélène Poulit-Duquesne
L'émotion est au cœur de notre approche : nous ne vendons pas seulement des bijoux, nous créons des expériences sensibles et durables. Chaque boutique incarne l'esprit de famille de la Maison.
Je m'implique personnellement dans le moindre détail, du choix des tissus aux objets d’art. Chaque adresse intègre une touche locale pensée pour résonner avec son environnement. En ligne, notre site va au-delà de l'e-commerce, c'est une véritable porte d'entrée dans notre univers. Nous y dévoilons notre quotidien, notre équipe… et même notre chat, Wladimir. Notre ambition est de faire en sorte que chaque interaction, physique ou digitale, laisse une empreinte émotionnelle forte et mémorable.
Sabrina Faubel
L'événement organisé à Londres a marqué les esprits. Quelle en était l’intention ?
Hélène Poulit-Duquesne
Je crois que les histoires fortes ne se racontent pas, elles se vivent. Nous avons imaginé une soirée inspirée du théâtre : des comédiens incarnaient des figures historiques de la Maison. Les invités devaient résoudre une énigme pour accéder à une salle secrète et découvrir nos créations "Point d'Interrogation". Ce type d’expérience redéfinit notre lien avec le client. Au final, l'émotion, c’est ce qui reste.
Sabrina Faubel
Le luxe peut-il être durable ? Où en est Boucheron aujourd’hui ?
Hélène Poulit-Duquesne
Personne ne jette un bijou, il est fait pour durer. Mais nous allons plus loin. Nous utilisons 100% d'or responsable, développons la traçabilité de nos pierres, et nos boutiques visent des certifications environnementales. Nous avons aussi repensé notre écrin : aluminium, feutre de laine, zéro plastique. No pack is the new pack.
Sabrina Faubel
Quel projet vous a le plus marquée ?
Hélène Poulit-Duquesne
La rénovation du 26 Place Vendôme. J'y étais chaque semaine. C'était un tournant.
Et côté création, "Les fleurs éternelles". Offrir l'éternité à ce qu'il y a de plus éphémère, c'est ma définition de la joaillerie.
Sabrina Faubel
Quel héritage souhaitez-vous laisser ?
Hélène Poulit-Duquesne
Transmettre l'esprit pionnier de Frédéric Boucheron, adapté aux enjeux du 21ème siècle. Et partager ma propre définition du succès : rester soi-même et donner du sens à ceux qui nous entourent.
Sabrina Faubel
Et si tout devait se résumer en une phrase ?
Hélène Poulit-Duquesne
Light the way.

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