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« Nous sommes entrés dans l'ère de la publicité à faible impact » Cécile Lochard, Guerlain.

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Comment le développement durable et ses contraintes de traçabilité et de transparence peuvent-ils s'inscrire comme des opportunités créatives pour le secteur du luxe ? Décryptage avec Cécile Lochard, Directrice du développement durable de la maison de beauté Guerlain.

Cet entretien est extrait du webinar FUTUR & LUXE spécial Créativité enregistré en janvier 2023.

Journal du Luxe

En quoi le développement durable est-il devenu une source de créativité chez Guerlain ?

Cécile Lochard

Nous avons la grande fierté d'avoir été pionniers dans la création d'un département de développement durable il y a 15 ans. Et nous ne le disions pas ! C'est très symptomatique du sujet : j’ai rédigé un livre sur le développement durable il y a 11 ans et le premier argument qu'on m’opposait alors c’était de me dire que j’officiais dans un secteur pour lequel le développement durable était un creativity killer, un bon partenaire incrémental certes, mais dont il ne fallait pas parler (...)

Il est vrai que les champs sémantiques du luxe et du développement durable sont très opposés. Le luxe relève de la créativité sans contraintes, de la possession, parfois de l'ostentatoire. Le développement durable, lui, fait écho à la nécessité, à la sobriété, à l'économie de la fonctionnalité. C'est une discipline anxiogène, j'ai même récemment entendu quelqu'un la qualifier de "passion triste". Il nous a fallu démontrer qu'une Maison comme Guerlain, qui a un lien avec la nature depuis presque 200 ans, pouvait intégrer ce sujet et les freins qui sont les siens.

Journal du Luxe

Quels exemples créatifs traduisent, concrètement, vos engagements ?

Cécile Lochard

Il y a quelques mois, nous avons opéré le revamping d’Aqua Allegoria, une collection d'eaux de Cologne initialement lancée en 1999. Nous avons ici adressé le sujet de l'alcool biologique et j’aime à dire que, pour moi, le plus gros challenge n’était pas d'embarquer les directeurs des opérations ou les marketeurs mais plutôt la communauté des social médias. 

Yann Arthus-Bertrand a accepté d'être le réalisateur de cette campagne mais ce à quoi nous ne nous attendions pas, c'est qu'il nous fasse entrer dans l'ère de la publicité à faible impact. L’imaginaire d’Aqua Allegoria est très lié au monde floral : Yann s’attendait à ce qu’on veuille shooter en janvier ou février afin de délivrer des premiers visuels à nos marchés dès avril ou mai. Mais il nous a aussi dit qu'il ne prendrait pas l'avion et que par conséquent nous allions devoir photographier toute la campagne en France. Ce qui nous convenait finalement très bien puisque notre budget média est un petit peu plus réduit que celui de certains de nos cousins au sein du groupe LVMH (...) Nous nous sommes donc adaptés en tournant dans les Cévennes ainsi que dans un très beau champ d'iris situé au nord de Marseille.

Nous avons calculé l'empreinte écologique de cette campagne : celle-ci a consommé environ 10 tonnes de CO2, contre 250 pour la campagne Aqua Allegoria réalisée il y a deux ans et demi en Afrique du Sud. Nous sommes en train de consolider ce chiffre puisque nous élargissons le scope du calcul au plan média. Par ailleurs, tous les indicateurs, et j'en suis navrée moi même, tournent autour du CO2 mais celles et ceux qui travaillent autour du développement durable savent que les indicateurs absolus en matière d'empreinte biodiversité sont plus durs à paramétrer à l'heure actuelle. Toujours est-il que ce calculateur constitue aujourd'hui un outil d'aide à la décision, de la même façon que nous possédons depuis 15 ans des outils d’aide à la décision relatifs à l'éco-formulation ou encore à la création de packagings plus responsables.

Un autre élément assez caractéristique de Guerlain est notre Bee brand cause. Ambassadrice depuis cinq ans du parfum Mon Guerlain, l'actrice Angelina Jolie a accepté de faire évoluer son rôle en se dédiant à la cause du développement durable, et plus particulièrement à la protection de l'abeille, notre emblème depuis plus de 170 ans. C'est elle qui a eu l'idée du cliché avec National Geographic, pour lequel elle a posé 18 minutes avec de vraies abeilles. Nous avons été très étonnés de l'impact considérable de cette campagne qui a généré 3 milliards de vues sur internet. Une campagne pourtant low carbon réalisée avec une petite dizaine de personnes à Los Angeles, où Angelina Jolie réside.

Découvrez la suite de la prise de parole de Cécile Lochard - mais aussi des experts de chez Prada Beauty, A.D.R, Montblanc, Launchmetrics, groupe Printemps et AMI Paris - sur le replay du webinar FUTUR & Luxe spécial Créativité.

Découvrez également les invités du webinar FUTUR & Luxe spécial RH et Talents, le 28 mars prochain.

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