« Le nouvel acheteur du luxe est un collectionneur » Marta Indeka, The Future Laboratory.

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Quels sont les nouveaux connaisseurs du luxe ? Quelles nouvelles tendances sont en train d'émerger chez la GenZ ? A-t-on aujourd'hui affaire à des "collectionneurs" et non plus des "consommateurs" ? Éléments de réponse par Marta Indeka, analyste senior au sein du cabinet de conseil en prospective stratégique The Future Laboratory, et leur grand rapport "Luxury Recrafted".

Journal du Luxe

Pouvez-vous nous parler de votre grand concept de l'année "Luxury Recrafted" ?

Marta Indeka

Il y a quelques années, les marques de luxe n'auraient pas imaginé que leur savoir-faire pouvait être un argument de vente pour séduire les jeunes consommateurs. De plus en plus de Maisons de luxe mettent donc aujourd’hui l'héritage et le savoir-faire au centre de leurs campagnes.

Pourquoi ce changement ? Les Millennials, la Génération Z et les Alphas, qui ont grandi à l'époque du streetwear, sont de véritables "connaisseurs" et sont avides d’archives. Ils deviennent les principaux acheteurs du marché, et l'industrie évolue pour s'adapter à leur vision du luxe définie par la connaissance, l'accès, la communauté et l'artisanat. Cette jeune génération est obsédée par le patrimoine et le savoir-faire. Elle apprécie l'histoire qui se cache derrière chaque pièce, ce qui pousse les marques de luxe à se recentrer sur la qualité, la longévité et la provenance. Il y a aussi un réel changement dans la façon dont la clientèle de luxe s'identifie : exit l'idée d'être un consommateur, le nouvel acheteur de luxe est un collectionneur.

Parce qu'il est discret, nous ne pensons pas que le luxe soit "silencieux". L'excellence et le savoir-faire se chuchotent, mais l'impact de l'industrie dans son ensemble est exponentiel : le luxe est en train de devenir une puissance culturelle qui influence les arts, le divertissement, les loisirs, la musique et les sports. Les Maisons dictent ce que nous regardons, ce que nous voulons et ce à quoi nous aspirons. Prenons l'exemple de la nouvelle société de production cinématographique de Kering, ou bien le parrainage par LVMH des Jeux olympiques de Paris en 2024.

Les hausses constantes des prix du luxe le rendant moins accessible, le secteur s'adressera à des acheteurs aspirationnels, en diversifiant les formes d'expression. Des chefs-d'œuvre artisanaux aux merveilles numériques, le luxe de demain rencontrera ses aficionados et ses clients sur de nombreux terrains de jeu.

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Quelle est la nouvelle vague de connaisseurs du luxe ? Comment la "vague des connaisseurs du luxe" s'harmonise-t-elle avec la diversité des GenZ ?

Marta Indeka

Il y a un changement parmi les consommateurs du luxe. Les Millennials et la Génération Z représentaient déjà la totalité de la croissance du marché du luxe l'année dernière. Mais pour profiter de ces nouveaux acheteurs, le secteur doit s'efforcer de comprendre ce qui les fait vibrer.

Pour les connaisseurs du luxe, la tradition est plus importante que la présentation de nouveautés. Par exemple, aujourd'hui porter un sac vintage rare et abîmé pourrait être comparé au fait de porter des "baskets blanches" impeccables il y a quelques années.

Ce goût pour l'exclusivité et la rareté pousse les jeunes générations à se reconvertir en collectionneurs plutôt qu'en consommateurs, une étiquette à connotation négative.

En matière de diversité et d'inclusion, cette vision du luxe s'aligne sur les valeurs de la Génération Z. Ce à quoi nous assistons pourrait être considéré comme la diffusion du luxe comme un art ; une monnaie culturelle d'une grande portée, dont beaucoup peuvent profiter, mais que peu peuvent posséder.

Alors que les amateurs d'art affirment leur intérêt en visitant des musées et en achetant des gravures, des répliques ou des livres d'art, les passionnés de luxe utilisent les médias et réseaux sociaux, et accèdent au luxe en achetant des objets d'occasion ou se laissent tenter par des expériences proposées par leurs marques préférées.

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Vous avez détecté la montée en puissance de la tendance "Knowledge Club" : comment s'exprime-t-elle ?

Marta Indeka

Après le ralentissement social induit par la pandémie, nous avons commencé à remarquer l'ouverture d'une multitude de nouveaux clubs privés qui attiraient des nouveaux membres. Presque hors d’atteinte, mais pas si élitistes que cela, les clubs privés se réinventent pour reconnecter les réseaux de mondains, en donnant au modèle traditionnel de bouche-à-oreille une tournure moderne.

Contrairement aux clubs du passé, les nouvelles itérations n'ont pas pour seul objectif de s'enrichir et de profiter des choses les plus raffinées de la vie. La classe aisée veut se connecter à un niveau plus profond et faire partie de communautés étroites qui partagent des passions et des styles de vie similaires.

Journal du Luxe

Comment les marques peuvent-elles relever le défi du "savoir-faire au savoir-quoi" ?

Marta Indeka

L'idée du "savoir-quoi" est née lorsque nous avons constaté que les consommateurs du Luxe qui arrivent à l'âge adulte sont des connaisseurs avisés, qui utilisent leurs connaissances et leur individualité comme monnaie d'échange. Pour la Génération Z, l'information et la connaissance exclusives ont autant de valeur et d'importance que le savoir-faire dans leur définition du luxe.

L'obsession des jeunes consommateurs pour la recherche de produits rares ou à prix réduits, qui va au-delà du luxe authentique, alimente également la propagation des contrefaçons, rebaptisées dupes. Pour rester pertinentes, les marques de luxe ne peuvent pas fermer les yeux, mais doivent reconnaître la façon dont les jeunes définissent la valeur et comment les attirer.

Pour s'imposer dans ce paysage, les marques capitalisent sur leur patrimoine. Il existe d'innombrables façons de transformer la soif de connaissances des consommateurs en un atout pour la marque : cela peut être à travers des vidéos mettant en valeur le savoir-faire, des plateformes de revente ou de ventes aux enchères de marques, de la relance de pièces abandonnées ou en créant des bibliothèques d'archives interactives.

Chaque marque peut adapter sa façon de dévoiler ses coulisses, et inviter son public à participer.

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Pouvez-vous expliquer votre tendance HNWI : "Wealth is Woe" (la richesse est un malheur) ?

Marta Indeka

Ce que nous constatons, c'est que les inégalités de richesses déjà profondes se creusent et que, dans notre paysage socio-économique actuel, les dégâts sont de plus en plus nombreux. Par exemple, "eat the rich" est une tendance de la culture pop, incarnée par des séries télévisées de premier plan comme The White Lotus et Succession.

Au Future Laboratory, nous avons identifié en 2018 ce que nous appelons l’Uneasy Affluence, en référence à la réaction collective contre l'ostentation qui alimente une nouvelle anxiété parmi les consommateurs de luxe.

Avec le temps, cette tendance se renforce : les démonstrations ostentatoires de richesse sont considérées comme déplaisantes, et cela a un impact sur le luxe. Les attitudes anti-ostentation sont un catalyseur pour la chute de la logomanie en faveur d'un luxe plus insaisissable et plus durable, qui survivra à la tendance du "quiet luxury".

Cette tendance ne se résume pas au fait que les riches se cachent au su et au vu de tous pour apaiser les tensions. Le luxe ne se contente pas de redoubler d'efforts en matière de philanthropie, les marques s'expriment également plus ouvertement sur ce qu'elles font.

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