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« La notion de masculin pluriel est devenue une évidence » Olivier Lalanne, Harper’s Bazaar
Publié le par Eric Briones
Alors que les repères masculins se redéfinissent, Olivier Lalanne dévoile Harper’s Bazaar Homme, un titre qui explore les nouvelles écritures du masculin. Entre audace, vulnérabilité et liberté de style, le rédacteur en chef imagine un espace d’expression pluriel, loin des injonctions et des clichés.
Journal du Luxe
Vous lancez Harper’s Bazaar Homme à un moment où la notion de masculinité est à la fois fragile et foisonnante. Selon vous, de quoi l’homme contemporain avait-il réellement besoin : d’un miroir, d’un manifeste ou d’un terrain d’expérimentation ?
Olivier Lalanne
Il est vrai que nous lançons Harper’s Bazaar Homme à une époque où la notion de masculinité est plus que jamais challengée. Ce qui représente un défi. La première question qui s’est imposée à nous a été : quel homme mettons-nous en lumière et à quel homme nous adressons-nous ? La notion de masculin pluriel est vite devenue une évidence.
Pour répondre à votre question, je ne pense pas que le miroir soit la bonne métaphore dans la mesure où un miroir peut s’avérer trop réaliste ou inversement déformant. Pour ce qui est du manifeste, cela impliquerait une posture figée, une proposition éditoriale un peu "injonctionnelle" ou rigide qui irait à l’encontre de la ligne éditoriale souple (tant sur le fond que sur la forme) que nous avons imaginée.
Il est important que le magazine soit au diapason de ce que la plupart des hommes vivent aujourd’hui : de leurs doutes, de leurs questionnements tant sur l’être et que le paraître, de leurs peurs et de leurs résistances aussi.
Disons que Harper’s Bazaar Homme est davantage un terrain de jeu. Pour ne pas dire un terrain de "je".
Journal du Luxe
Vous évoquez un magazine qui "invite au questionnement" et "repousse les limites des masculinités". Comment comptez-vous éviter les clichés pour ouvrir un véritable espace de pensée et de désir masculin ?
Olivier Lalanne
D’un point de vue de mode, Harper’s Bazaar Homme n’a pas vocation à être un magazine serviciel au sens classique mais plutôt une invitation à oser, à brouiller les pistes des genres comme des styles sans forcément avoir le sentiment de remettre en question son identité ou de travestir qui l’on est.
Désir et audace sont ici des maîtres mots qui donnent lieu visuellement à certaines séries que beaucoup jugeront sans doute extravagantes mais qui n’en restent pas moins hautement inspirantes. Et le questionnement est aussi au cœur des différentes interviews que nous publions dans lesquelles les créateurs et les artistes que nous avons conviés s’expriment en toute sincérité.
Et pour beaucoup en toute vulnérabilité. Un cliché évoque quelque chose de banal, d’usé, ce n’est certainement pas ce qui vous traversera l’esprit quand vous aurez Harper’s Bazaar Homme en main…
Journal du Luxe
Vous revendiquez un ADN 100 % mode et une proposition "plus radicale". En quoi le style, aujourd’hui, devient-il pour les hommes un outil d’expression existentielle autant qu’esthétique ?
Olivier Lalanne
Je pense que le style est surtout un formidable outil d’expression pour les jeunes qui bénéficient, malgré les contractions de l’époque, de l’évolution du regard de la société sur la représentation que l’on se fait de l’homme, ainsi que d’une mode masculine sur les podiums qui s’est beaucoup débridée. Il n’est qu’à observer le nombre de garçons dans la rue qui ont du vernis sur les ongles où portent du maquillage ou des sacs à mains sans que l’on se retourne sur eux.
Cette fluidité dans le paraître traduit une fluidité dans l’être loin d’un idéal viriliste dont on sait aujourd’hui qu’il ressemble plus à un carcan qu’à un graal.