Luxe Européen : aux origines de l’influence

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Par Anne-Laure Colcy Versavau, Executive Vice President frog – Capgemini Invent 

Le mot "influence" a été détourné. 

Aujourd’hui, il résonne sous chaque post sponsorisé, se mesure en taux d’engagement, il est devenu synonyme de manipulation mercantile abritée par les réseaux sociaux. Mais avant de se perdre dans les pixels, l’influence était une force d’attraction, un souffle invisible, une responsabilité. 

Et si, pour dessiner le futur du luxe européen, nous devions revenir aux origines de l’influence 

L’influence : née de l’inspiration, guidée par la conscience 

Étymologiquement, influence vient du latin influentia : le flux qui descend d’une source supérieure. Être influent, c’est être inspiré, puis agir avec conscience pour entrainer avec soi. Ce n’est pas manipuler, c’est éveiller. Ce n’est pas séduire, mais élever. 

Le luxe européen, depuis ses origines, incarne cette forme d’influence : celle qui inspire sans jamais forcer, qui transforme sans jamais contraindre. Chaque création, chaque geste d’artisan, chaque innovation porte en elle une part de responsabilité : celle de la qualité, de la durabilité, du style, du sens. 

Car le luxe, dans sa forme la plus noble, n’est pas une industrie : c’est une vision. Une vision culturelle, esthétique et éthique du monde. Et c’est cette vision qui, pendant des siècles, a fait rayonner l’Europe et sa civilisation. 

Quand le luxe oublie sa responsabilité, il perd son influence 

Certains acteurs du luxe vivent aujourd’hui une crise de repères. En plus d’être économique, cette crise est existentielle. À force de suivre le marché, ils ont oublié qu’ils étaient censés le guider. Leur communication réagit à l’actualité, leurs créations s’ajustent à la demande, leur singularité se dilue dans la vitesse, leur inspiration dans la financiarisation de leur modèle. 

Mais l’influence du luxe n’a jamais été réactive. Elle a toujours été directrice. Les Maisons étaient puissantes et influençaient non par le volume, mais par la vision. Une vision où la beauté a du sens, où la rareté protège, où la création engage, où l’excellence règne. 

Le luxe européen doit se rappeler qu’il ne vend pas seulement des objets : il porte et transmet une vision du monde. S’il oublie cette vocation, il perdra son influence… et il en va de sa survie. 

L’influence originelle : un fluide des astres 

Il existe une autre définition, oubliée, du mot influence. Au Moyen Âge, il désignait un fluide émanant des astres, agissant sur la destinée humaine. Une image poétique, mais étrangement juste. Car le luxe européen a toujours été cet astre.  

Ses maisons sont des constellations, Paris, Milan, Genève, Londres, dont les lumières orientent les désirs du monde. Leur éclat ne réside pas seulement dans leurs vitrines, mais dans leur capacité à faire rêver, à inspirer, à orienter les imaginaires. Une boussole cosmique du désir. 

Et c’est là tout l’enjeu : le luxe européen doit retrouver cette dimension quasi spirituelle avec la force d’une conscience collective. 

Préserver un atelier de maroquinerie à Florence, une cristallerie en Lorraine, une horlogerie en Suisse, ce n’est pas seulement sauver un savoir-faire, c’est protéger une étoile du ciel économique européen. C’est maintenir ce fluide d’influence qui irrigue tout un continent, et diffuse sa culture à l’échelle de la planète, par la beauté, la précision, la création. 

Reprendre notre place d’influenceur : basculer du prestige au Soft Power 

Bâti sur le prestige, le luxe européen doit basculer vers une idée : le Soft Power. Cette puissance douce qui ne s’impose pas par la force, mais par la fascination. 

Cette idée n’est pas nouvelle mais doit être assumée. Depuis des siècles, le luxe européen est l’un des plus grands instruments de Soft Power du continent. Il a fait aimer la France avant qu’on la visite, rêver de l’Italie avant qu’on la découvre, admirer la Suisse avant qu’on la comprenne. 

Mais ce Soft Power se diluera si nous ne le pensons pas collectivement. 

Les acteurs du luxe européen — mode, beauté, joaillerie, horlogerie, automobile, hospitalité, services — doivent s’unir, non pour réagir aux crises, mais pour redéfinir une stratégie d’influence commune. 

Une influence fondée sur la création, la responsabilité, et la conscience de notre rôle dans la destinée culturelle et économique de l’Europe. Car si l’Europe veut peser dans la conversation mondiale, elle pourra le faire par la valorisation de ses savoir-faire uniques, autant que par la force symbolique de son raffinement et la profondeur de son récit. 

L’influence véritable n’est pas affaire de bruit, mais de clarté et donc d’organisation. 

Elle ne se mesure pas en vues, mais en vision. 

Elle n’est pas une simple arme commerciale mais une boussole culturelle. 

Le luxe européen a la responsabilité d’incarner une autre temporalité dans un monde saturé, de démontrer que le beau peut être durable, que la création peut être engagée et que le désir peut cohabiter avec la conscience. 

Vers une renaissance de l’influence, rendez-vous le 19 novembre… 

Cette réflexion ne peut rester théorique. 

Elle doit s’incarner, se confronter, se partager. 

C’est pourquoi, le 19 novembre prochain à Paris, se tiendra le Symposium du Luxe, organisé par Le Journal du Luxe, en collaboration avec frog, The New York Times, Les Échos… 

Un moment d’inspiration, d’échange et de rencontre avec les décideurs du luxe européen, pour repenser notre rôle d’influenceurs, au sens noble du terme. 

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