Chronique

Swiss Green Hour.

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Il fut un temps où la haute horlogerie Suisse était en avance en termes d’écologie : les mouvements mécaniques – le ressort est inventé en 1410 – furent les moteurs d’une énergie verte produite par le mouvement du poignet pour les garde-temps ! Les manufactures helvétiques devraient, depuis longtemps, clamer "Swiss & Green made" pour leur montre mécanique.

Green Watch Power.

Conscientes de leurs devoirs environnementaux de préservation de la nature au 21ème siècle, les marques Suisses – dont l’esprit est de travailler leur sujet avant de l’afficher - sont en passe de devenir championnes de la transition écologique. Après avoir dû effectuer un certain rattrapage ces dernières années, elles multiplient le champ d’actions de protection de la planète depuis 2010. Le secteur ne veut pas être montré du doigt dans l’industrie du luxe et travaille à de nombreuses actions environnementales qui sont corrélées à la demande des consommateurs. La GenZ est plus que sensible à cette question dans ses choix de produits à fortes dimensions identitaires.

Les grandes marques investissent ce que j’appellerai le "Green Watch Power" sous trois angles : les montres elles-mêmes par les choix de matières, les process de fabrication dans les manufactures et les actions environnementales au chevet de la planète. Revue de la Green Hour Swiss !

Green Watch Product.

D’abord, la couleur verte s’affiche comme la couleur montante des cadrans après les effets matières et le bleu nuit. Couleur à l’aura mystique, elle séduit plus que jamais horlogers et clients. Elle cache en fait les recherches de matières "vertes" de fabrication chez les grands horlogers et poussent l’industrie vers de nouvelles prouesses technologiques qui tendent à respecter cette double dimension esthétique et "écologiques ou responsables" de demain. Côté modèle, la plus écologique est sans conteste la "Moser Nature Watch", véritable montre vivante en matière végétale sur les cadrans. Côté grande manufacture, il faut chercher dans les choix de matière des pièces : les verres et cadrans photovoltaïques permettent à la dernière TankMust de Cartier de fonctionner à l’énergie solaire. La maison Hublot – spécialiste de la fusion des matières – a mis au point des boitiers fabriqués à partir de lin naturel. Demain, les NFT placés dans les montres ou les bracelets pourraient bien donner de nombreuses informations sur tout le processus de fabrication des ateliers et revendiquer cette dimension écologique et humaine avec des preuves dans les modèles de montres… car côté histoire, il y a tout ce qu’il faut !

Green Watch Process.

Les manufactures passent au vert aussi. Chez les horlogers utilisant des diamants (en décor ou mécanisme), ils sont certifiés RJC (Responsable Jewellery Concil) dans la réalisation des modèles en pierres et or. De quoi garantir au client le respect de l’environnement et des droits humains dans tout le processus d’extraction, de transformation ou de commercialisation, notamment de l’or et des diamants…. et demain jusqu’au point de vente. Ce processus est appliqué à 99% dans les marques suisses de LVMH.

Chez Audemars Piguet, la mission RSE va plus loin : le travail s’effectue avec les fournisseurs pour être plus durables dans la production des matériaux, de l'utilisation de l'énergie. La localisation en Suisse - pays à l’âme verte - permet l’utilisation d’une énergie propre à 60% grâce aux centrales hydroélectriques du pays. Audemars Piguet avait ouvert le bal en 2009 avec sa manufacture au Brassus - là où tout a commencé -, et installé sa nouvelle manufacture, le Musée Atelier Audemars Piguet et son hôtel des horlogers en plein pays de Joux comme un marqueur fort avec l’ambition de suivre trois principes : réduire, réutiliser, recycler.

Jaeger-LeCoultre a inauguré en 2010 un bâtiment label Minergie (label de construction environnementale suisse), puis installé des panneaux solaires fournissant 35% de sa consommation. Aujourd’hui, la marque compense 100% de ses émissions contribuant ainsi au "zéro émission nette". Ces objectifs ont été construits autour d’une convention entre l’entreprise horlogère, le Canton et la Confédération. En mars 2021, selon le dernier rapport annuel de Romande Energie, cette réduction a été confirmée à 40%.

©Audemars Piguet

Green (and Blue) Watch Protection.

Les maisons œuvrent désormais pleinement pour la sauvegarde et la protection de la nature en général. Les océans sont le terrain favori de nombreuses marques, sans doute parce que l’imaginaire marin est puissant (de la découverte du monde avec des instruments de mesure du temps à l’écologie de demain), et le terrain bleu est sans limite. Les actions de protection des océans assurent de la visibilité aux entreprises privées en l’absence de "politiques" sur ce terrain, laissant aux marques horlogères la première place pour prendre la parole et agir ! Citons Rolex et la "mission bleue", Blancpain et le "Blancpain Océan", IWC avec la "Cousteau Society", Breguet et son expédition "Race for Water"… même si peu vu du grand public en communication BtoC.

Rolex, précurseur depuis 1954 via le soutien à la National Geographic Society, affirme désormais son "Perpetual Planet" à travers différentes actions environnementales. La plus connue est sans doute celle du sauvetage de la forêt brésilienne de Mata Atlantica. L’aide de Rolex a déjà permis de sauver 2000 hectares et quatre millions d’arbres ! Le modèle Datejust 2021 – un des plus connus de la marque – affiche sa dernière version avec un cadran de couleur verte olive et un motif de feuille rappelant l'initiative de la marque Couronne. Audemars Piguet n’est pas en reste avec sa fondation qui soutient 45 projets dans 28 pays et Jaeger LeCoultre a élaboré un programme plus large appelé "make our time better". Et tous les modèles phares de ces marques affichent des "cadrans verts" qui sont l’apanage de leur véritable engagement pour la planète.

On pourrait questionner les maisons horlogères qui utilisent encore un marketing d’égéries, d’utiliser demain un marketing d’engagement sociétal comme levier vers la GenZ et d’aller plus vite sur le terrain de l’écologie responsable pour séduire les Millenials. Cette génération attend les horlogers sur la gestion de leur modèle vintage et les partis pris écologiques, et représente 70% des consommateurs luxe de demain. "Swiss made & Green certification" est le gage d’un avenir marketing plus engagé des marques suisses à condition de continuer cette transformation de l’industrie et de soutenir une prise de parole plus forte vers les nouveaux acquéreurs. Les milléniales aiment les marques aux grandes histoires, à la pointe de l’innovation et aux engagements pour sauver la planète. Ce que les montres de demain peuvent raconter !

A l’heure d’une RE-distribution dans les canaux de vente, la lame de fond de la "green hour" en dit beaucoup plus long sur les acteurs et les actions de cette industrie en pleine révolution écologique : c’est une Green Philosophie en marche et une fierté suisse que de réfléchir à un savoir-faire horloger écologique. Sans doute la couleur des sapins Suisse va s’installer pour longtemps sur les cadrans, et tant mieux ! A quand un Prix de "l’Aiguille Verte" au palmarès du Grand Prix de l’Horlogerie de Genève ? En 2022, souhaitons-le.

Alexis de Prévoisin est consultant Retail-Real Estate & Expérience client et auteur du livre Retail Emotions.

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