
Chronique
Jacquemus : génie de la mode, pas maison de luxe. Et c’est très bien comme ça !
Publié le par Eric Briones
L’ADN Jacquemus, c’est un diamant brut, un éclat solaire de mode pure. Un créateur instinctif, poétique, un peu bling, très vrai. Un enfant de la Provence, de la pop culture, des podiums et du désir.
En un mot : la mode, la mode, la mode.
Le luxe selon Jacquemus, c’est l’instantané visuel, le frisson joyeux d’un premier sac. Pas forcément noble dans la matière, mais précieux dans le regard qu’il déclenche. Le premier luxe sans la noblesse des matières, mais avec toute la noblesse du désir. Et c’est là que réside son génie.
Depuis son grand défilé-anniversaire à Versailles, Simon Porte veut changer de catégorie. Fini l’outsider espiègle, place à l’ambition assumée : vendre du rêve à 15 000 €, avenue Montaigne, incarner une maison de luxe.

Pour y parvenir, il mise sur ce qu’il maîtrise le mieux : le storytelling. Un raccourci élégant mais risqué, contournant la voie exigeante de l’artisanat d’exception. Il s’approprie les codes de l’art et de la bourgeoisie : Fondation Maeght, Casa Malaparte, Giacometti, défilé façon grande maison…
Le geste est fort, mais l'alignement vacille. Le dernier classement Lyst le place désormais 16e, en recul.
Est-ce le prix à payer pour une mue trop rapide ? Car il est difficile de transformer sa nature profonde, surtout quand on a bâti son aura sur l’authenticité et la spontanéité.
C’est là que Jacquemus est au sommet. Dans le clin d’œil pop, le surréalisme joyeux, la fraîcheur sans filtre. Oui, cela évoque les campagnes Loewe. Mais le luxe est injuste : on naît luxe, on le devient rarement.
Les racines de Loewe sont celles du haut artisanat madrilène. Jonathan Anderson a bâti son chef-d’œuvre en faisant de l’artisanat l’alpha et l’oméga de sa narration ultra-contemporaine.
Jacquemus, lui, n’a pas besoin de devenir une maison de luxe. Il est déjà une légende de la mode.

Chronique