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Quand le monde vacille, le luxe cherche son souffle

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À l’heure où la géopolitique s’invite partout – conflits armés, tensions commerciales, instabilité monétaire, insécurité alimentaire, menaces sanitaires, percée de l’intelligence artificielle… l’atmosphère mondiale devient pesante, voire anxiogène.

Même le luxe, habituellement synonyme de rêve, marque le pas. Le secteur connaît une pause, plus ou moins brutale selon les groupes : ralentissement notable chez Chanel, Kering ou LVMH, mais belle résistance pour Hermès, Prada, Bottega Veneta, Ferrari…

Alors, que se passe-t-il ?

Le monde change, c’est un fait. Nous vivons une phase de profonde instabilité, un nouveau cycle où les dés sont relancés. Le "Sud global" prend de l’ampleur, tant démographiquement qu’économiquement.

Les puissances émergentes – Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Brésil, Turquie, mais aussi Vietnam, Arabie Saoudite, Afrique du Sud ou Nigeria – dictent un nouveau tempo. Face à elles, les membres du G7, historiquement dominants, voient leur hégémonie s’éroder. Les cartes sont rebattues : un nouvel ordre mondial se dessine.

Cela ne signe pas la fin du monde occidental, mais la fin de sa domination exclusive. L’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique ne sont plus des spectateurs mais des acteurs clés.

Le luxe, lui, est à la croisée des temps

À la fois intemporel et porteur d’histoire, il incarne l’excellence d’un peuple, d’un savoir-faire, d’un héritage. Le mot "luxe" vient du latin luxus, qui signifie à la fois "lumière" (excellence) et "luxation" (rupture) : c’est à la fois l’élégance et la disruption. Le luxe éclaire, mais il bouscule aussi.

C’est dans cette tension féconde entre tradition et innovation que le luxe se réinvente. Il transcende, il ose, sans jamais se renier. Son ADN : l’avant-garde, le dépassement, l’âme.

1985-2025 : 40 ans de métamorphoses

En deux générations, les codes sociaux ont été bouleversés. Le luxe a su anticiper certains virages, et s’adapter à d’autres.

  • La prise de conscience écologique est désormais un pilier.

  • L’évolution des modèles sociaux impose une écoute active et inclusive.

  • Le luxe, par essence, valorise la nature – humaine et environnementale. Il porte en lui les valeurs de la RSE.

L’époque de l’arrogance et de la domination est révolue.
Le luxe français reste une référence mondiale, mais il ne peut plus prétendre à une suprématie incontestée. Il doit composer avec d'autres expressions du luxe – italien, japonais, oriental, africain – tout aussi légitimes.

Les artisans sortent de l’ombre

Longtemps discrètes, les petites mains du luxe – artisans et métiers d’art – revendiquent aujourd’hui leur rôle central. Des maisons comme Hermès ou Chanel les mettent en lumière, reconnaissant leur contribution essentielle.

Accueillir l’autre, célébrer l’ailleurs

La culture de l’autre devient une richesse, une source d’inspiration mais aussi un socle de cohésion. L’altérité n’est plus accessoire : elle est cœur battant du luxe moderne.

Le luxe n’est plus autocentré : il fait briller l’autre avant lui-même. Il joue un rôle diplomatique, en quête de consensus, de dialogue. Comme le disait Bocuse : "La géopolitique divise, la gastronomie rassemble."

Le véritable luxe ? Le partage

L’exclusivité se réinvente dans la philanthropie, dans l’envie d’offrir une expérience unique, une émotion vraie.
Se sentir utile. Être respecté. Aimer et être aimé. Ce sont là les nouveaux marqueurs du prestige.

L’élégance aujourd’hui, c’est l’allure mais aussi la discrétion, l’ouverture, l’inclusion. Le luxe devient un langage universel, profondément humain, apaisant et inspirant.

Il est, plus que jamais, géovalorisé, géoresponsable, et géo-authentique.

Retrouvez plus d'articles autour du luxe dans l'ouvrage de Bruno Lavagna : Géopolitique du Luxe.

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