The Zaya, premier modèle née et élevée en Amazonie.

Je suis née au Brésil, dans l'État de Rondônia, et issue d’une lignée de femmes leaders et shamans des ethnies Guarani Mbiya et Kamurapi. Mon enfance a été rythmée par des fuites incessantes, toujours au plus profond de la jungle. Les communautés dans lesquelles nous vivions avec ma famille ont été successivement détruites et persécutées par les orpailleurs et les hommes responsables de la déforestation de l’Amazonie. A 15 ans j’ai pu m’échapper finalement jusqu’à Porto Velho, la petite ville qui est le chef-lieu de l'État et en travaillant très dur pour combler mon manque d’éducation traditionnelle, j’ai réussi à décrocher une bourse d’études dans un collège privé de Rio de Janeiro. Une fois à Rio, j’ai créé le premier collectif visant à représenter les personnes indigènes dans les milieux créatifs et de la mode. Puis à 17 ans j’ai été repérée par l’agence internationale Ford Models… C’est alors qu’en quelques mois, je me suis retrouvée dans les pages de Vogue et à l’affiche de plusieurs campagnes internationales . 

Dans notre culture et la lignée de femmes dont je suis issue, l’essence féminine est symbole de connexion entre la Nature et le monde humain. Nous donnons la vie et sommes le prolongement humain de cette Nature sans laquelle nous n'existerions pas. D'ailleurs, dans la forêt amazonienne, les femmes jouent un rôle extrêmement important aussi bien au niveau spirituel que dans le quotidien et l’organisation des communautés. Les femmes, par leur essence profonde, ont cette sensibilité à représenter et défendre une véritable “écosophie”, cette philosophie de l’équilibre et de l’harmonie écologique.

Les deux ! Même si je me définis avant tout comme activiste que ce soit dans mes prises de paroles sur l’écologie et le développement durable ou dans le mannequinat, qui est pour moi une manière en soit de porter mon message de représentation des populations indigènes, de défense et respect de la nature. Je n’oppose pas du tout les deux carrières, pour moi cela ne fait pas de sens dans le contexte actuel d’être mannequin et de vouloir inspirer tout un tas de gens si on a pas un message fort à porter ! La mode et le luxe sont une part importante du monde dans lequel nous vivons et c’est notre responsabilité en tant qu'ambassadeurs d’user de notre voix et influence pour faire évoluer les marques et les consommateurs sur ces sujets importants liés au respect de la planète, de la représentation de ses diverses populations, etc...

Aujourd’hui j’ai la chance de travailler aussi bien avec les principales organisations internationales, des leaders indigènes issus du monde entier et des décideurs issus de grandes entreprises privées. Mon engagement pour la cause de la représentation indigène, de l’écologie, du développement durable est absolument entier et constitue ma raison de vivre. J’aime penser que je suis un agent du changement par l’intermédiaire de mon image, de ma voix, des conseils que je peux donner aux marques ou aux dirigeants que j’ai la chance de côtoyer. Le fait d’avoir grandi si intimement liée à la nature la plus pure mais d’évoluer dans des cercles internationaux qui sont à même de décider de l’avenir de cette nature me donne une position unique et très privilégiée dont il est de mon devoir de faire bon usage.

Ce n’est pas encore sorti, mais j’ai la chance d’avoir été choisie pour être l’image de la dernière campagne mondiale de UGG centrée autour de la notion d’économie et d’agriculture régénérative. Une campagne à la fois extrêmement esthétique et intelligente pour laquelle la marque a développé un vrai positionnement didactique en expliquant à son public comment elle intégrait dans ses process de productions ces questions complexes.

J’ai la chance dans mon combat d’être entourée de “soul sisters” exceptionnelles comme Arizona Muse ou Lily Cole, et comme je le disais plus haut, je pense que les femmes ont une place particulière à jouer à l'avant-garde de ces batailles. Leur capacité d’écoute, leur empathie, leur connexion intime avec la vie en font de facto des alliées dans la sauvegarde de leur planète. On entend souvent dire “the Future is female”, ce à quoi j’aime rajouter “the Future is female and indigenous”, au sens où la combinaison des savoirs ancestraux et de l’essence divine féminine est ce qui nous donnera les clefs pour un changement profond de mentalité à l’échelle planétaire.

Aujourd’hui, beaucoup de marques de luxe réalisent l’importance d’inclure des visages et voix indigènes, ce qui est une manière de reconnaître et de s'amender de la dimension néo-colonialiste” que ce secteur a pu longtemps représenter. Une manière de retourner aux sources de la beauté et de notre rapport à la nature. C’est un bon début mais ce n’est pas assez, car au-delà de la simple représentation c’est tout un mode de pensée qui est à inverser pour se rapprocher des philosophies et sagesses ancestrales que nous représentons. Il faut penser en termes de régénération et non purement exploitation des ressources, en termes aussi de transparence et d’éthique plutôt que d’opacité du secret industriel et enfin, en remettant en avant à la fois des savoir-faire artisanaux et l’amour des matières organiques. Certaines marques ont fait des progrès considérables sur ce chemin, le Luxe étant une partie intégrante de l’expérience humaine dans le sens où il touche à notre capacité à sublimer la nature.