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« La longévité est un levier de contrôle pour la Gen Z » Chloé Arjona, NellyRodi
Publié le par Eric Briones
Alors que la Gen Z place la santé et la longévité au cœur de ses priorités, marques de luxe, géants de la beauté et pure players se disputent un nouveau territoire stratégique. Chloé Arjona, directrice Pôle Beauté chez NellyRodi, décrypte les attentes de cette génération en quête de contrôle, de transparence… et d’empowerment.
Journal du Luxe
Pourquoi la Génération Z est-elle aussi fascinée par la longévité ?
Chloé Arjona
Les Gen Z sont influencés par deux marqueurs générationnels forts : une disruption technologique continue et l’absence d’une véritable période de prospérité dans leur vécu.
Côté technologie, ils sont nés avec Internet, ont grandi avec l’émergence du Web3 et de l’intelligence artificielle. Ils utilisent ces outils au quotidien, pour communiquer, s’informer, travailler, se divertir, dans un rapport fluide, naturel et omniprésent à la technologie.
L’essor des pratiques liées à la longévité est d’ailleurs rendu possible par les avancées technologiques en matière de diagnostic, de recommandations personnalisées et de suivi en temps réel. C’est pourquoi cette génération se montre particulièrement réceptive, voire attirée, par ces nouveaux usages. En parallèle, les Gen Z ont grandi dans un contexte de crises successives – économiques, géopolitiques, environnementales, culturelles, identitaires et sanitaires – qui se sont multipliées et intensifiées depuis plus de 25 ans. Dans ce climat anxiogène et incertain, l’un des rares leviers sur lesquels ils peuvent exercer un réel contrôle est leur mode de vie : alimentation, sommeil, santé mentale… Autant de dimensions devenues centrales dans leur quotidien.
D’ailleurs, une étude que nous avons menée auprès de près de 2 700 Gen Z en 2023 révélait que leur deuxième préoccupation, juste après "construire mon avenir" (38 %), était "faire attention à mon bien-être et à ma santé mentale" (35 %).
Enfin, c’est une génération qui a été témoin d’avancées scientifiques majeures en matière de santé et d’esthétique, ainsi que de la démocratisation d’outils comme la beauty tech. Cela leur donne des perspectives positives et renforce leur conviction qu’ils ont prise sur leur propre longévité.
Journal du Luxe
La peau est-elle en train de devenir le principal indicateur de santé et de bien-être chez les jeunes ?
Chloé Arjona
Oui. 60 % des personnes que nous avons interrogées (56 consommatrices beauté françaises âgées de 18 à 30 ans) estiment que l’âge de la peau peut être un bon indicateur de santé ; et 91 % surveillent l’état de leur peau comme un indicateur clé de leur longévité et de leur bien-être.
Dans le détail, les répondants perçoivent la peau comme le reflet :
- des habitudes de vie (35 %),
- de l’état de bien-être général (25 %),
- du soin et de l’entretien qu’on lui consacre (20 %),
- de l’impact de l’environnement (20 %).
Journal du Luxe
Comment les marques peuvent-elles redéfinir leur rôle face à cette nouvelle quête de longévité ?
Chloé Arjona
L’une des nouvelles missions des acteurs de la beauté pourrait être d’aider les consommateurs à atteindre leur plein potentiel – pas seulement esthétique, mais aussi physiologique, cognitif et mental.
Cela implique de nouveaux rôles pour les marques :
- un rôle de "care taker", centré sur la compréhension et l’écoute active,
- un rôle de coach, dans un accompagnement continu,
- un rôle d’éducateur, pour transmettre des savoirs et des outils de manière accessible.
Journal du Luxe
Qui va gagner la bataille de la longévité : les grandes maisons du luxe, les géants de la beauté ou les pure players spécialisés ?
Chloé Arjona
Ceux qui gagneront seront ceux capables d’adresser la beauté à 360° – esthétique, compléments alimentaires, sommeil… – de manière 100 % personnalisée, adaptable et empowering : diagnostics et formulations sur mesure, suivi personnalisé, adaptation continue des routines. Il sera aussi crucial de ne pas négliger l’humain et le physique dans l’expérience longévité : pour expliquer, accompagner, avec des conseillers formés et des lieux dédiés. Même si les diagnostics et le suivi peuvent être entièrement digitalisés, le contact humain reste essentiel pour les soins et traitements.
- Les grandes maisons de luxe ont déjà amorcé leur mutation vers des univers toujours plus "lifestyle", avec l’hospitalité au cœur de leur stratégie.
- Les géants de la beauté disposent souvent d’une forte capacité d’innovation technologique, qu’ils peuvent démocratiser à grande échelle. Mais leur taille peut compliquer une approche véritablement holistique et personnalisée.
- Les pure players, plus agiles, devront quant à eux prouver leur capacité à créer un écosystème complet : produits, lieux de soins, experts.
L’une des clés résidera sans doute dans une logique d’écosystème collaboratif, pour mutualiser les expertises.
Le sujet de la longévité pose des questions structurelles et déterminantes pour les dix prochaines années. Nous n’en sommes qu’aux prémices : tout reste encore à inventer.

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