Exclusif

« Nouvelles expériences dans le Luxe : il n'y a pas de recette magique mais des réponses "couture". » Maria Grazia Solimene, Capgemini Invent.

Publié le par

Comment le Luxe se consomme-t-il aujourd’hui ? Comment les marques évoluent-elles pour rester en résonance avec leur clientèle dans une ère encore fortement marquée par l’influence post-covid ? Rencontre avec Maria Grazia Solimene, directrice du pôle luxe de Capgemini Invent, cellule dédiée au cadrage stratégique des nouveaux projets d’entreprise. 

1. Clientèle 2024 : entre l’ultra-luxe et l’investissement luxe  

"Il faut tout d’abord rappeler que nous sommes encore dans une période post-covid, avec un quotidien marqué par l’influence de ces dernières années : les Maisons de Luxe ouvrent de nouvelles boutiques, voire de nouveaux lieux de vie hybride, la visioconférence s’est normalisée dans les échanges tant professionnels qu’entre un personal shopper et ses clients", souligne Maria Grazia Solimene

Alors quelles sont les grandes dynamiques que vit actuellement le secteur du Luxe ? "Il y a d’une part un mouvement vers l’ultra-luxe, qui concerne environ 1 à 10% des clients VIP. Il s’agit d’une clientèle d'initiés, qui recherche avant tout l’excellence, la rareté, la personnalisation absolue et l’expérience sur-mesure. Aussi, même s’ils sont habitués à une Maison, ils peuvent aussi rapidement en changer en fonction de la singularité de l’expérience proposée ou au contraire, d’une réponse jugée non suffisante", poursuit-elle. Un phénomène qui s’explique par de multiples facteurs dont la gentrification accélérée des pays en voie de développement et l’arrivée  des nouvelles élites, où le Luxe devient un des blasons du nouveau style de vie.

"Ce mouvement est accentué par l’investissement patrimonialiste, où les clients se réfugient vers des produits iconiques, valeur sûre et intemporelle, plutôt que sur des créations disruptives", abonde Maria Grazia Solimene. C’est ainsi le retour du uber vintage, non pas uniquement pour des raisons d’éco-responsabilité mais aussi en lien avec une certaine érudition, où les client(e)s savent très bien quels produits chercher en seconde main et des boutiques circulaires qui se "premiumisent", en proposant une expérience client haut de gamme basée sur la curation.

"Pour qu’une expérience soit luxueuse, elle doit pouvoir dégager une forte valeur émotionnelle, être délivrée de façon disruptive et avoir une valeur finale qui dépasse la considération de ses coûts", définit la directrice du pôle luxe de Capgemini Invent.

Les expériences proposées par les Maisons de Luxe s’orientent ainsi de plus en plus vers une dimension lifestyle : ouverture d’un hôtel, d’un restaurant ou encore d’une librairie… mais aussi culturelle : exposition, collaboration, participation aux œuvres cinématographiques. "Le trait distinctif des marques qui réussissent à catalyser l’ensemble de ces phénomènes avec succès sont alors celles qui savent s’appuyer solidement sur leur histoires et leurs valeurs natives tout en faisant preuve d’une grande agilité", résume-t-elle. Post-covid, contre toute attente, c’est donc bien le (re)triomphe du retail, où chaque boutique mérite une visite pour l’expérience singulière qu’elle propose.

Les Maisons de Luxe se mettent ainsi à décliner tout un ensemble de contenus qu’elles distillent savamment sur le web et les réseaux sociaux afin de capter l’attention des consommateurs qui se nourrissent, chaque jour, de centaines de contenus digitaux. L’enjeu est ensuite d’engager rapidement le dialogue, dans une approche conversationnelle pour amener la personne vers un lieu de célébration de la marque, que ce soit la boutique ou le site web de la Maison de Luxe. 

"L’IA et plus globalement les avancées technologiques, permettent de flexer plus rapidement et de façon plus opérationnelle pour s’adapter aux besoins émergents et aux nouvelles tendances", observe Maria Grazia Solimene. L’IA générative permet ainsi, tant aux collaborateurs qu’aux clients d’accéder à de multiples contenus de façon très rapide et synthétique… tandis que le Web3 et la blockchain enrichissent l’expérience autour du produit au travers de passeports numériques dans lesquels est retracer la genèse de l’objet, des matières premières à la vente, en passant par les process de fabrication et de transport. Enfin, c’est aussi l’avènement de la réalité virtuelle qui transforme l’ordinateur en un miroir connecté où l’on peut essayer des styles différents.

Les nouvelles technologies permettent d’ailleurs d’étendre l’expérience unique vécue en magasin au digital : "on parle alors de "digital craft", où l’on va chercher, par le choix des images, de l’ergonomie ou encore du discours narratif à faire vivre un moment émotionnellement engageant, même en digital", poursuit celle-ci. L’expérience vécue on-line s’humanise donc, que ce soit par l’accueil d’un chatbot à l’arrivée sur le site web ou bien par l’organisation d’une visioconférence avec un personal shopper qui transmet ensuite une liste servant de "garde robe digitale". 

Au final, derrière l’utilisation de la technologie, il ne faut pas oublier que l’objectif principal est l’éveil des émotions.

Maria Grazia Solimene

par