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« Pour les 5 à 10 prochaines années, notre objectif c'est l'élévation de la marque » Frédéric Arnault, PDG de TAG Heuer

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À l’occasion du 60ème anniversaire de l’iconique modèle Carrera, Frédéric Arnault, PDG de la Maison TAG Heuer, livre lors d'une interview exclusive donnée à Eric Briones, DG Journal du Luxe, des informations inédites sur la campagne The Chase For Carrera et sur l’avenir de la marque. 

Journal du Luxe

Après la fameuse série publicitaire Don't crack under pressure, TAG Heuer casse les codes des communications horlogères avec un court-métrage ambitieux totalement méta. Quelle est l'histoire de cette campagne ?

Frédéric Arnault

Pour cette campagne, nous voulions depuis le début renouer avec l’historique extraordinaire de campagnes fortes réalisées par la Maison. C’est une de nos forces, nous sommes la première marque horlogère à créer un storytelling d'un tel niveau. Il y a eu de nombreuses campagnes comme Don’t Crack Under Pressure, mais aussi, au début des années 2000, Success, it’s mind game. Cette campagne avait vraiment marqué les esprits par ses images plus encore que par son slogan. Le nageur au milieu des requins, la voile dans un ouragan et des situations extrêmement décalées, c’est ça qui a marqué le public. Alors continuer sur cette lancée aujourd’hui, et le faire avec les moyens dont on dispose en 2023, c’était une évidence.
Les campagnes sont dans notre héritage et c’est, entre autres, ce qui inspire les personnes avec lesquelles nous travaillons, que ce soient les acteurs, les producteurs ou tous les créatifs. C’est ce qui nous a permis d’arriver à ce concept, à ce court-métrage.
Lorsque nous avons signé Ryan Gosling, nous voulions aller bien au-delà de l’utilisation de son image sur des photographies. C’est un créateur et nous voulions enrichir la marque de son pouvoir créatif.

Pour ce qui est du film, pour les 60 ans de notre collection la plus emblématique et la plus forte, nous ne voulions pas faire un film historique, comme le suggéraient les premières propositions que nous avons reçues. Nous voulions parler du futur de la marque et de la collection, et non du passé. D’ailleurs, c’est ce que nous avons fait aussi sur le produit, en proposant une nouvelle Carrera, qui annonce, avec raffinement et design, une nouvelle identité. 

Toutefois, le film reprend de nombreux éléments historiques de la Maison. Il faut le regarder plusieurs fois pour tous les voir et les comprendre. Par exemple, l’hôtel dont Ryan Gosling tombe s’appelle le “Léonarda”, qui était le prénom de l’épouse de Jack Heuer. De plus, l’hôtel est au numéro 63, l’année de création de la collection Carrera. Les exemples comme ceux-ci sont nombreux, et c’est très touchant de réunir autant d’éléments qui font notre identité aujourd’hui. 

Pour cette campagne, l’un des points de départ du brief, c’était que Ryan Gosling joue son propre rôle. Il est un des acteurs les plus puissants d’Hollywood et nous avons signé avec lui pour sa personne, pour ce qu’il est. Alors, à quoi bon lui faire jouer le rôle de quelqu’un d’autre ? Ensuite, nous savions qu’il fallait absolument une course-poursuite avec une Porsche, pour la Carrera. C’est là que l’idée nous est venue : Ryan Gosling voudra garder la montre et s'enfuira avec, poursuivi par l’accessoiriste en chef. C’est là que le film est vraiment méta, il ne s’arrête pas, finalement il y a un film dans un film. 

Au début, l’idée était celle d’un film d’action. Et puis les créatifs de la Maison et Ryan Gosling ont voulu ajouter des éléments d’humour. C’est ce qui rend ce film génial. Vanessa est très connue pour ses rôles humoristiques, mais Ryan beaucoup moins. C’est ce côté disruptif et décalé qui nous a séduits.

©TAG Heuer

Journal du Luxe

L'emploi de Ryan Gosling est singulier dans le film. Quelle est votre vision du rôle d'une égérie dans le luxe, en 2023 ?

Frédéric Arnault

Il y a deux éléments très importants. Tout d’abord, il faut créer une histoire authentique. Il faut que l’égérie ait un amour vrai pour la marque, pour la Maison et pour le produit. Nous avons besoin que les égéries portent le produit dans leur vie privée et pas seulement dans leur vie publique, auprès des médias. C’est ainsi que l’on peut créer une histoire forte. Le public doit sentir que l’égérie est sincèrement conquise. C’est le premier point. 

Ensuite, ce qui est important pour nous, c’est la façon de collaborer. Nous ne voulons pas simplement utiliser l’image de nos ambassadeurs ; nous voulons les faire travailler là où ils sont bons, capitaliser sur leurs forces et leur talent. Pour Ryan Gosling, par exemple, nous avons utilisé ses talents d’acteur au profit de la marque. Il fallait cela pour ancrer un partenariat dans la durée. Nous ne souhaitons pas passer d’un ambassadeur à un autre. Sinon ça ne fonctionne pas. Le public voit une campagne, puis une autre. Cela ne marque pas son esprit. Il ne faut pas avoir peur de la répétition.

Journal du Luxe

F1, grande complication, diamant de synthèse, accélération chinoise... Où comptez-vous amener Tag Heuer pour les cinq années à venir ? 

Frédéric Arnault

Nous comptons 160 ans d’histoire et je pense qu’il est essentiel de puiser notre inspiration dans ce que nous avons vécu, sur le travail qui a été fait... s’inspirer à la fois des icônes du passé mais avec modernité. TAG Heuer, c’est une équipe d’avant-gardistes. Nous innovons, et c’est ce que nous avons toujours fait dans beaucoup de domaines, que ce soit les matériaux ou la joaillerie avec les diamants d'avant-garde conçus en laboratoire. 

Pour les 5 à 10 prochaines années, notre objectif c’est l’élévation de la marque et le renforcement de nos icônes, à la fois par le design et par le storytelling. La technique et l’innovation sont aussi des éléments centraux au sein de la Maison pour rendre la marque toujours plus forte et désirable dans les années à venir. Nous commençons, avec cette campagne pour la Carrera, mais ce sera aussi le cas pour la Monaco, pour renforcer la partie horlogère.

Journal du Luxe

Vous avez marqué les esprits avec "la montre Tag NFT". Quelle doit être la place stratégique du web3 (NFT, Metaverse, Blockchain) dans le luxe selon vous ?

Frédéric Arnault

Nous avons eu un très bel accueil. Il y avait beaucoup de questions sur l’utilité et l’usage des NFTs. Associé à l’horlogerie, il y a un véritable effet de collection. Désormais, avec les technologies, il est possible de collectionner de l’art digital.
Les collectionneurs, de manière générale, ont envie de parler et de partager sur le sujet. La montre est un objet très pratique pour exposer ses collections. D’ailleurs, les vrais collectionneurs de montres aiment porter des modèles vraiment spéciaux et uniques. C’est là où une montre connectée de luxe résonnait très bien avec l’univers des NFTs. La montre a été très bien reçue et elle continue à séduire les passionnés.
C’est vrai que le marché des NFTs est un petit peu descendu depuis 6 mois, mais il y a vraiment moins de spéculateurs. Les passionnés, eux, sont toujours là, et ce sont eux que nous avions ciblés. Ils sont très engagés sur nos produits.

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Vous êtes polytechnicien, quel est votre avis sur l'utilisation de l'IA dans les industries du luxe ?

Frédéric Arnault

Je pense qu’il est encore un peu tôt et qu’il n’y a pas de place définitive et déterminée pour l'utilisation de l’IA dans le luxe. En ce qui me concerne, je suis un passionné d’IA. J’ai étudié les mathématiques appliquées et l’informatique puis - avant de rejoindre TAG Heuer - j’ai travaillé six mois chez Facebook dans le département d’intelligence artificielle. Les choses ont beaucoup évolué depuis et notamment depuis un an, il y a eu de vraies avancées qui vont probablement perdurer. Je pense aussi que l’IA peut intervenir sur l’entreprise en général, en aide au manager par exemple.
En ce qui concerne TAG Heuer, il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous travaillons qui vont amener à l’utilisation de l’IA. Cela peut être simplement comme aide et appui pour aller plus vite, ou même pour avoir des idées différentes. Pour cela, je pense que l’IA peut avoir un vrai rôle à jouer dans nos vies. Il peut y avoir également un intérêt sur de la prédiction de tendances ; bien que, dans le luxe, nous soyons vraiment précautionneux sur le sujet.
Ce qui peut surprendre d’ailleurs, car le luxe n’était pas forcément attendu sur l’utilisation créative de l’intelligence artificielle, mais peut-être plus sur la relation client. Et pourtant, chez TAG Heuer, nous allons grandement miser sur la montre connectée. Nous pourrions aller jusqu’à envisager une montre qui réagit aux habitudes de son propriétaire. L’IA et la création ne sont pas incompatibles même si cela ne remplace pas le créateur. 



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