Chronique

Pourquoi sommes-nous envahis par des logos géants au milieu des pubs ? Saint Laurent, Balenciaga, Raf Simons, Paule Ka...

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Nombre de "pubards" ne considèrent pas les campagnes luxe/mode comme des vraies créations publicitaires - la catégorie n'a jamais vraiment existé au Cannes Lion Festival. La raison de ce dédain est triple : mimétisme sectoriel, absence de concept et... la majorité de ces campagnes échappe à leur contrôle, du fait qu'elles soient réalisées en interne, "in house".

Logo immanquable.

Depuis quelques mois, un nouveau mimétisme frappe le secteur : adieu le classique logo placé en bas à droite. Bienvenue au logo en géant placé au centre de l'image, immanquable ! Saint Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, Raf Simons, Paul Ka (de retour), Jimmy Choo, Cavalli, Missoni, Miu Miu, Burberry, Banana Republic... ils ont tous cédé aux sirènes de "la loi du milieu".

Feuilleter un magazine de mode aujourd'hui, c'est subir un bombardement de marques, plus que d'idées créatives singulières. Le logo au milieu rassure les directeurs de la communication et facilite le travail commercial des créatifs. J'ai voulu creuser la question, en interrogeant un camarade, le sémiologue Luca Marchetti qui m'a donné son avis d'expert :

"Ce phénomène en est effectivement un ! Et il se répand... Particulièrement parmi les marques patrimoniales, ou en tout cas statutaires. En termes « sémio », c'est un processus qui permet à la marque de valoriser son message publicitaire, non seulement par ce qui est montré "dans" l'annonce (images, messages verbaux, graphisme...), mais également de nourrir le sens de ce qui est montré par des facteurs "extra-textuels" (situés dans le contexte de vie extra-publicitaire de la marque, dans l'histoire, dans le monde...). Des thématiques plus générales et plus pérennes. En ce cas, c'est *l'ethos* de la marque qui est convoqué. La marque nous dit "ici-et-maintenant je m'exprime par cette campagne, mais rappelle-toi que je suis tout d'abord et toujours Balenciaga !" "

©Balenciaga

C'est important à une époque où : 

  • Ce qui est vu/montré par les marques peine à être perçu comme vrai ou sincère.
  • La question de la raison d'être, de la crédibilité et de la légitimité deviennent "clé". Balenciaga, par exemple, nous rappelle par ce choix toute son histoire, son passé et sa nature autoritaire donnés par ses lettres de noblesse patrimoniale, le travail de Cristobal, etc.

C'est aussi une manière de rappeler qu'il y a autre chose à côté du virage pop, provocateur et ludique de Demna Gvasalia.

La sémiologie valide la démarche, mais j'ai quelques réserves sur cette prolifération qui gadgétise cet appel louable à l'authenticité, à la communication directe entre la marque et, nous, humbles fans.

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