
Quand le luxe se heurte au libre marché : Gucci, Chloé et Loewe sanctionnés par l’UE
Publié le par Anaïs Clavell
Les maisons Gucci, Chloé et Loewe viennent d’écoper de 157 millions d’euros d’amende pour avoir restreint la liberté tarifaire de leurs distributeurs indépendants. Une décision européenne qui interroge la manière dont les marques de luxe gèrent leur cohérence prix à l’ère du commerce en ligne.
157 millions d’euros de sanctions pour pratiques anticoncurrentielles
La Commission européenne a annoncé ce mardi avoir infligé un total de 157 millions d’euros d’amendes à trois maisons de luxe : Gucci, Chloé et Loewe. En cause, des pratiques contraires au droit de la concurrence consistant à limiter la capacité de leurs distributeurs indépendants à fixer librement les prix de vente. Gucci aurait également restreint la commercialisation en ligne d’une de ses gammes de produits. Ces pratiques, menées indépendamment mais sur des périodes qui se chevauchent, ont conduit Bruxelles à sanctionner simultanément les trois marques.
Gucci, filiale de Kering, écope de la plus lourde sanction, près de 120 millions d’euros, suivie de Chloé (groupe Richemont) et Loewe (LVMH) avec respectivement 20 et 18 millions d’euros. Si les trois maisons ont coopéré avec les autorités, ce qui a permis une réduction des montants, la Commission européenne a rappelé que ces pratiques faussaient la concurrence et entraînaient des prix plus élevés pour les consommateurs européens.
Le prix, un pilier de l’image dans le luxe ? Derrière ces amendes se cache une tension plus profonde : le luxe repose sur une cohérence tarifaire mondiale, gage de prestige et de désirabilité. Maintenir un équilibre des prix entre les marchés, les boutiques et les canaux de vente est essentiel pour préserver cette perception d’exclusivité.
"Dans un monde où la richesse globale augmente, si le luxe devient trop accessible, il perd sa nature d’horizon lointain. Il devient du "premium", une catégorie bien différente", nous expliquait Jean-Noël Kapferer, auteur de The Luxury Strategy (éditions Kogan Page) dans une interview pour le Journal du Luxe.
Pourtant, comme vient de le démontrer Bruxelles, la libre fixation des prix est une obligation au sein de l’Union Européenne, dont même le luxe ne peut se soustraire. Comment respecter les règles de concurrence tout en protégeant son storytelling fondé sur la rareté ? Les marques de luxe renforcent d’autres leviers, comme le développement du e-commerce en propre, ou encore les services exclusifs en boutique... L’objectif n’est plus d’imposer un tarif unique, mais de justifier la valeur derrière le prix.
