
Rachat de Versace par Prada Group : un repositionnement majeur pour le luxe italien
Publié le par Journal du Luxe
Finalisé cette semaine, le rachat de Versace par le groupe Prada pour 1,25 milliard d'euros ouvre un nouveau chapitre pour l'industrie italienne du luxe. En réunissant dans son giron deux Maisons emblématiques aux identités radicalement différentes, Prada Group ambitionne de créer un acteur national de premier plan, capable de peser davantage face aux grands groupes internationaux. Reste à mesurer l'impact de cette consolidation sur l'équilibre du marché et sur la trajectoire future de Versace.
Un rapprochement stratégique et créatif
Effective depuis le 2 décembre, l'intégration de Versace au sein du groupe Prada marque une étape symbolique puisqu'elle ramène la Maison - fondée à la fin des années 70 par Gianni Versace - sous pavillon italien après plusieurs années dans le groupe américain Capri Holdings. De quoi renforcer la souveraineté industrielle du pays dans un secteur du luxe dominé par les géants français, LVMH en tête.
Stratégique, ce rapprochement s'opère aussi d'un point de vue créatif en juxtaposant au sein d'un même portefeuille des approches historiquement opposées, du minimalisme de Prada à l'opulence de Versace. Une complémentarité susceptible d'adresser des clientèles variées sur différents marchés, même si les nouvelles créations de Dario Vitale, nommé directeur de création de Versace au printemps dernier, semblent témoigner d'une vision plus contemporaine du maximalisme. Comprendre plus subtile, moins clivante et donc potentiellement plus vendeuse sur un marché du luxe aussi fragmenté que volatile. Un shift créatif lourd de sens alors que Vitale était précédemment directeur de l'image et du design de Miu Miu, la marque la plus dynamique de Prada Group.
Versace face au défi de la relance
Car ces dernières années ont été marquées par une perte d'élan pour Versace sur le plan commercial alors que la griffe a vu son chiffre d'affaires reculer de -20%, à 821 millions de dollars, à l'issue de son dernier exercice annuel.
Ce rachat pourrait ainsi inscrire la marque dans un repositionnement progressif, soutenu par la puissance logistique du groupe Prada qui officialisé la nomination de Lorenzo Bertelli, directeur marketing de Prada - et fils de la créatrice Miuccia Prada - en tant que nouveau CEO de Versace. Ainsi, la relance ne devrait pas s'opérer sur le court terme puisque la première phase d'intégration, qui implique des investissements, des ajustements d'offres et une rationalisation des process, pourrait peser temporairement sur la rentabilité du groupe.
Muscler l'existant plutôt que se diversifier ?
Bien que l'on évoque souvent les perspectives d'expansion catégorielle dans le développement business des marques, Versace dispose déjà d'un univers produit étendu : mode, maroquinerie, lifestyle, horlogerie, parfums et haute parfumerie...
L'objectif de Prada Group pourrait donc être de ne pas multiplier les lignes, mais de renforcer le potentiel commercial et la cohérence de catégories parfois sous-exploitées. Le segment beauté pourrait par exemple gagner en puissance : contrairement à d'autres Maisons de luxe, Versace - sous licence parfums chez EuroItalia - n'a pas réellement investi le maquillage, un marché devenu stratégique ces dernières années. Fort du récent développement de Prada Beauty et de la relance des parfums Miu Miu, le groupe pourrait ainsi s'appuyer sur ses compétences et son réseau pour créer un environnement favorable à un lancement à forte résonance image et volume.
Un pari ambitieux pour redorer une icône italienne
Pour mener à bien la revitalisation de Versace, Prada Group entend concentrer ses efforts sur sa nouvelle recrue. Dans un entretien récemment accordé à Fashion Network, son CEO Andrea Guerra indiquait ainsi que le groupe n'envisageait pas "pour l’heure" de nouvelle acquisition.
La réussite du projet dépendra de la capacité du groupe à conjuguer vision créative, discipline opérationnelle et valorisation patrimoniale. Si cette équation trouve son équilibre, ce rapprochement pourrait rebattre les cartes du luxe italien - à l’heure où le marché s'interroge sur le futur d'un autre fleuron transalpin, Armani - et redéfinir les ambitions du groupe Prada sur la décennie à venir.
