Louis Vuitton et Vendôme : la justice se prononce sur la cession commerciale d'une marque territoriale
Publié le par Journal du Luxe
Délivré il y a quelques jours, un jugement inédit du Tribunal Administratif d'Orléans éclaire le droit des collectivités à monétiser leur nom de marque.
La marque territoriale, un actif cessible
Au début des années 90, la commune de Vendôme, dans le Loir-et-Cher, dépose sa marque éponyme. En 2012, la ville cède l'usage commercial de celle-ci à la Maison de luxe Louis Vuitton (groupe LVMH) pour une durée de dix ans. Coût de l'opération, 10.000 euros.
En 2021, alors que se pose la question du renouvellement décennal de cette cession, l'association "Vendôme Notre Patrimoine" conteste officiellement le procédé, pointant notamment du doigt le montant jugé insuffisant de l'opération.
Dans un jugement rendu le 24 septembre dernier, le Tribunal Administratif d'Orléans s'est opposé aux arguments des plaignants en validant le principe de cession. La juridiction a en effet estimé que la marque "Vendôme", qui concerne ici des catégories de produits spécifiques dont la joaillerie, la bijouterie et l'horlogerie, relevait du domaine privé de la municipalité et non du domaine public, inaliénable. En clair, une ville a la possibilité légale de monétiser son nom sous forme de marque pour un usage commercial ciblé, sans pour autant céder l'identité de la commune elle-même. Une porte ouverte pour les stratégies d'innovation des territoires cherchant à valoriser leur patrimoine immatériel dans des filières de prestige.
Une annulation de la cession d'ordre économique
Mais si le principe de la cession a bel et bien été validé, c'est sur la question du prix et surtout de la justification de celui-ci que la délibération a été annulée. Le tribunal a en effet reproché à la ville de Vendôme - qui compte par ailleurs deux ateliers Louis Vuitton sur son territoire - de ne pas avoir suffisamment détaillé les modalités de calcul ayant abouti à la somme de 10.000 euros. L'annulation de la cession repose donc ici sur le motif dit "d'excès de pouvoir".
"La jurisprudence n'a jamais eu à se prononcer sur la possibilité de céder le droit d'usage de cette marque, notamment à des fins commerciales. C'est la première fois qu'un tribunal tranche cette question", précise le tribunal dans une note de résumé.
À noter que cette décision revêt un caractère davantage informatif que pratique puisqu'à l'été 2022, l'Institut national de la propriété industrielle avait refusé l'enregistrement de "Vendôme" en tant que marque, la considérant dépourvue de caractère distinctif en raison de la notoriété de la célèbre Place Vendôme, à Paris.