« Le luxe doit devenir honorable et faire mieux, c’est ma mission » François-Henry Bennahmias, The Honourable Merchants Group

Ce projet est né en 2017. Tout commence par une rencontre avec Brunello Cucinelli, entrepreneur italien. C’est un homme de réflexion, qui a beaucoup travaillé sur la gouvernance responsable et la pérennité de son entreprise familiale. Nous passons 48 heures ensemble chez lui, à Solomeo. Et là, je prends une claque, comme une révélation. J’ai compris que ce serait ma voie après Audemars Piguet. Ce n’était plus une option, c’était un appel intérieur.

À mon retour, j’annonce en interne que je quitterai la maison en 2022. Le besoin de sens, de transmission et d’équilibre prenait déjà toute la place. Depuis, tout a convergé dans cette direction.

C’est un groupe de luxe, une constellation d’entreprises indépendantes les unes des autres, mais avec un socle de valeurs communes. Ce que nous défendons, c’est un capitalisme d’équilibre, vertueux, une forme de proportion juste – presque comme un nombre d’or du business. On ne veut pas croître pour croître, ni maximiser la valorisation à tout prix. On veut bâtir des entreprises durables, où les collaborateurs sont aussi parties prenantes de la création de valeur et de la croissance.

Le nom The Honourable Merchants Group ne doit rien au hasard. C’est justement lors de mon week-end à Solomeo en 2017 que j’apprends l’existence du titre médiéval oublié de "honourable merchant", remis à Brunello peu de temps auparavant. Il remonte au XIIᵉ siècle, en Italie et en Allemagne, et désignait un marchand jugé digne de confiance, éthique, responsable envers sa communauté. Ce titre n’était plus employé depuis longtemps, mais l’idée restait forte. J’ai trouvé cela incroyablement juste, profondément moderne dans ce que cela raconte du rôle de l’entreprise dans la société. Et incroyable : le nom n’était pas déposé. The Honourable Merchants Group est né.

Nous avons structuré The Honourable Merchants Group autour d’une constellation de huit verticales clés : horlogerie, joaillerie, mode, art, management, lifestyle, services et notre incubateur.

Deux projets que nous avons entièrement créés illustrent bien notre démarche. Le premier, Avalon, est une société dédiée à la sécurité de biens de collection – montres, bijoux, œuvres d’art, grands crus. Le second, Viiala, est une marque de vélos électriques conçue autour de l’innovation pure. Il ne s’agit pas d’ajouter une marque de plus sur le marché, mais de repenser l’objet, la mobilité, l’usage. On s’est volontairement détournés des standards du secteur pour inventer quelque chose de neuf.

En parallèle, nous avons lancé notre premier appel à projets. Il s’adressait à celles et ceux qui ont une idée, une entreprise, une intuition. Il ne s’agissait pas de venir nous chercher pour lever des fonds, mais de rejoindre une dynamique. Nous avons reçu plus de 150 dossiers en moins de deux semaines. Nous en retiendrons un, que nous accompagnerons gratuitement, avec nos réseaux, nos ressources, notre philosophie. Et si, au bout de deux ou trois ans, tout est aligné – dans la gouvernance, la responsabilité, l’impact – alors peut-être qu’une entrée dans notre cercle des Marchands Honorables sera envisagée.

Exact. The Honourable Merchants Group, ce n’est pas une maison-mère. C’est un groupe qui chapeaute une constellation d’entreprises. On investit parfois, on transmet toujours, on fait monter les jeunes. Je veux être un super coach, pas un super boss. Notre base se trouve en Suisse, devenu mon pays d’adoption.

Oui, le partage est le cœur battant de The Honourable Merchants Group. Il se décline de plusieurs manières. Il y a d’abord le partage économique : si l’entreprise crée de la richesse, elle doit revenir à ceux qui la font vivre. Les profits sont redistribués sous forme de primes et, au moment d’une revente, les collaborateurs bénéficient eux aussi de la valeur créée. Chacun est assis sur un morceau d’histoire, pas seulement sur un salaire.

Il y a aussi le partage des valeurs : transparence, responsabilité, équité. C’est ce socle qui nous permet d’avancer avec cohérence. Puis le partage du savoir. J’ai toujours refusé cette idée que "le savoir, c’est le pouvoir". Non : le savoir, c’est ce qui rend chacun plus intelligent, plus impliqué, plus créatif. Je veux que l’information circule, que les collaborateurs comprennent la stratégie, qu’ils puissent agir au-delà de leur périmètre.

C’est ça, créer de la valeur collective. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de hiérarchie, mais que les discussions se font au plus près du terrain, en ouvrant la porte à tous les collaborateurs. Le rôle d’un leader n’est pas de garder le contrôle, mais de libérer les énergies.

Comme en architecture ou en art, il s’agit d’une proportion de justesse, d’un équilibre : ne pas faire plus mais faire mieux. Une entreprise ne se résume pas à son chiffre d’affaires ou à sa marge : elle doit conjuguer création de valeur, participation, bien-être des collaborateurs, transparence, transmission.

Ces cinq valeurs sont notre boussole. Aujourd’hui, je rêve d’équilibre. Équilibre personnel, professionnel, sociétal. On vise les quatre jours de travail par semaine. On ne répond pas aux mails le soir ou le week-end. C’est aussi ça, le luxe.

Le temps, et notre rapport au temps. C’est le seul vrai luxe. Le temps pour soi. Le temps pour les autres. Le temps de faire les choses bien. Le temps de dire non. Le temps de transmettre.

La transmission. La bienfaisance – un mot qu’on devrait réhabiliter. Faire du bien. Partager ce que j’ai appris. Donner de la liberté. Créer des modèles où les jeunes prennent la main. Et où les anciens restent là, pas pour dominer, mais pour accompagner.

Cultive ta curiosité et continue à apprendre sur tout, c’est ça le secret !

Notre verticale horlogère sera présenté à la Dubaï Watch Week. Mais je ne peux pas en dire plus pour le moment…

Je suis un gosse. Je déconne tout le temps. J’ai gardé cette insouciance du gamin qui joue au foot dans le jardin en s’appelant Platini et dit : "je joue comme lui". Vous savez, ce moment de l’enfance où vous êtes le héros absolu dans votre propre passion. Je ne veux pas l’oublier et je le dis aux grands sportifs que je côtoie et que je conseille [il est ancien international de golf dans sa première vie] : "retrouvez cette magie d’être sans limite". Cette capacité à s’imaginer grand. C’est ça, le moteur : faire sans limite ce que pourrait borner notre cerveau.

"Il ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait."